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La première mouture du Virgile de la famille Elzevier !

Sous une jolie reliure en plein maroquin rouge, c’est un petit morceau d’histoire qui vient de passer la porte de la librairie !

0-virgile_02Il s’agit d’une magnifique édition du « P. Virgilii maronis Opera » de 1636, éditée à « Lvgb Batavor » (c’est à dire Leyden, au Pays Bas) par la grande famille de typographes et éditeurs Elzevier (l’ouvrage est « ex officina Elzeviriana »)

0-virgile_01Les Elzevier sont une importante famille dans l’histoire du livre. Ils publièrent de magnifiques volumes, tout au long du XVIIe siècle, un fils succédant à son père à la tête de l’entreprise familiale durant de nombreuses générations. Désirant publier des ouvrages plus petits, ils inventèrent un petit élément typographique essentiel et encore utilisé aujourd’hui : l’empattement (appelé également « sérif »). Ce petit triangle placé aux extrémités des caractères permet une lecture plus facile, et donc permet de réduire la taille des caractères, donc aussi des volumes !

0-virgile_05L’un des chefs-d’oeuvre typographiques de cet éditeur sont les oeuvres de Virgile publiée en 1676. Mais ce qu’il faut avoir, c’est que ce volume fut précédé, dès 1636, d’une première version, déjà fort importante.Mais en quête de perfection absolue, le fils reprit en 1676 le travail que le père avait fait en 1636, afin de fournir un texte le plus abouti et le plus parfaitement réalisé possible. Notre volume représente donc la première mouture de cette magnifique publication. Elle est déjà accompagnée de sa carte dépliante qui retrace le voyage d’Énée.

0-virgile_04Notre exemplaire, qui plus est, possède en page de garde antérieure un magnifique blason, en noir et blanc. Ce blason est en fait « d’azur au chevron d’or, accompagné en pointe d’un coq de même ». Ce blason est surmonté d’une couronne, et sous lui, cinq croix honorifiques sont disposées (une à cinq branches, les quatre autres à quatre). Le tout prend place sur un drapé, surmonté d’une seconde couronne.

0-virgile_03Après recherche, j’ai appris que ce blason était celui de Jacques-Joseph Corbière. Cet homme politique français, né en 1766 en BretagneCorps-Nuds), fut avocat au Parlement de Rennes, puis juge de police en 1793. Le 14 avril 1797 (soit le 25 germinal de l’an V), il est élu député pour la première fois (il le sera régulièrement jusqu’à sa mort). Siégeant parmi les Ultras (les « ultraroyalistes », qui souhaitaient le retour d’une royauté de plein droit), il est anobli et créé comte en 1822. C’est à ce moment là qu’il prend pour blason celui qui se trouve sur notre ouvrage. Il occupera aussi le poste de Ministre de l’Intérieur en 1821 (poste où, par exemple, il combattra la liberté de la presse). Il est mort à Rennes en 1853.

J’ai l’habitude de dire qu’un libraire d’occasion fait en réalité mille métiers, parmi lequel « Détective privé » semble toujours, à mes interlocuteurs, le plus étonnant… Mais c’est bien de cela qu’il s’agit ici : prendre en compte les indices, recouper les informations, remonter les pistes… Et je dois bien vous avouer une chose : j’adore ça ! 😀